Elle avait les épaules nues et de l'ébène coulait dessus. C'est la première chose que j'ai remarqué lorsque je l'ai vue. Ses cheveux d'un noir de jais contrastaient avec merveille sa peau blanche et laiteuse, et voguaient au rythme du vent, comme pour sublimer ce portrait. Chacun de ses gestes, de ses mouvements, était imprégné d'une grâce digne du monde d'en haut. De son visage harmonieux me regardaient deux petits chocolats. Son regard était très doux, presque transparent. Elle dut s'apercevoir que je la regardais avec insistance. Elle détourna légèrement la tête. On aurait dit que sa peau était couverte d'une neige immaculée. Lorsque le soleil vint l'embraser, elle se mit à briller, et recula d'un pas : elle le fuyait, tout comme moi. Esquissant un sourire à en faire sortir le cœur de ma poitrine, elle me fixa un instant, puis tourna les talons. L'ange disparut de mon champ de vision.
Son apparition avait déclenché en moi une sorte de mécanisme infernal. Le souffle venait à me manquer. Mes organes s'entrechoquaient et mon cœur tambourinait. La guerre faisait rage. Je n'arrivais pas à réfléchir et encore moins me décider à lui courir après : je savais peut-être déjà que je ne la reverrai jamais. Je me rappelle être resté de longues minutes les bras ballants, existant bêtement au milieu de la rue à me remémorer les lignes de sa jupe fendue. J'avais si peur d'oublier la noirceur de ses cheveux que je me repassais le film en continu. Les images défilaient, superposées à la ville animée d'un après-midi d'été. La foule, bruyante mais lointaine, continuait de déambuler au hasard des vitrines, traversant son image sans s'arrêter. L'asphalte bourdonnait mais je n'y prêtais guère attention. Comment un regard pouvait-il susciter à ce point l'émotion ? Cette inconnue avait balayé en quelques instants chacune de mes convictions. Je fermais les yeux le plus fort possible pour graver chaque courbe de son corps et l'essence-même de son apparition.
Quand je les rouvris, la ruelle s'était vidée de ses effluves passantes et l'ange s'était de nouveau évaporé. Il ne restait plus qu'une sale odeur dans l'air. On y respirait l'âme triste et fatiguée, le vide et la poussière. Un sourire ironique s'afficha sur mon visage éteint. Et puis les larmes s'en sont mêlées, décuplant la tempête qui battait son plein. C'était digne des plus grandes chutes. Si l'horloge cardiaque s'était maladroitement relancée, mes poumons peinaient tout de même à s'oxygéner. J'appris pourtant à savourer le goût de mes larmes salées, preuve que je n'avais pas rêvé, seule lumière dans l'obscurité.
Encore bravo !
Ton admiratrice littéraire.